Le Rigodon des Alpes et du Vivarais m’apparaît à la fois très ancré dans le sol avec une énergie orientée vers le haut, une énergie de feu ce qui en fait une danse très verticale. Les appuis servent à rebondir, à trouver la dynamique d’une danse légère entre ciel et terre.

Je retrouve cette énergie, ce dynamisme, cette verticalité et le tempo dans le Rigaudon Baroque (17éme siècle) , Rigaudon de bal de cour ou de spectacle . Une danse légère qui était en général dansée dans les ballets, par des personnages représentants la campagne.

Chaque fois que je danse le Rigodon, je découvre de nouveaux pas, de nouvelles subtilités dans l’ornementation et dans la qualité de la danse en fonction de mon énergie mais aussi, et surtout, en fonction de ce que me propose mon partenaire (ou mes partenaires). Mais n’oublions pas, non plus, l’importance du jeu des musiciens. En dansant, je ne réfléchis pas, je danse en étant simplement à l’écoute de mon partenaire et de la musique.

Danses Traditionnelles en Vivarais : Au Chasteù de ribateù / Las débrayas de Laye Rigodons de la vogue

Les variations sont dans la qualité du pas, dans l’énergie apportée de façon subtile et parfois délicate, dans la rythmique, dans les silences de la danse, dans le rapport avec la musique, les musiciens et leurs propositions, dans les déplacements et dans le jeu avec le partenaire.

Dans les enquêtes de Jean-Michel Guilcher (ethnologue français) on trouve plusieurs variations de pas décrites qu’il faut bien sûr s’approprier. Mais chaque danseur avait aussi son propre répertoire de variations. Une variation peut vous être présentée par un danseur mais elle ne sera pas la même dans « votre corps » et changera aussi en fonction de la musique et du jeu des musiciens, de la relation avec le partenaire. L’énergie traverse chacun de nous et chacun retraduit cette énergie avec son corps, sa sensibilité et son vécu spécifique.

Danses Traditionnelles en Vivarais : Veni ve la font (rigodon valsé)

Les ornementations sont multiples : mettre des temps, des appuis en plus entre les temps principaux de la musique pour doubler les pas. On peut mettre des arrêts, des silences, frotter les pas sur le sol, sauter plus ou moins haut, pointer les pas (pointe ou talon) ou croiser les pieds devant l’autre jambe, des petits pas chassés ou glissés, faire des écarts devant ou sur le côté, dédoubler les appuis, faire des tours sur soi mais en variant les dynamiques… tout en restant en accord avec l’énergie et le style de la musique et les caractéristiques du Rigodon.

On peut vous montrer des ornementations, vous les faire pratiquer, vous indiquer des possibilités mais le mieux c’est de trouver les vôtres et de les faire avec votre particularité corporelle, elles seront plus justes.

Danses Traditionnelles en Vivarais : Les Filles de mai / Quand ma mio vin me Veire

Dans les Rigodons il y a aussi les frappés : j’aime les utiliser mais à des moments précis et occasionnellement. Le danseur est une voix de plus sur la partition de la musique, il ne doit pas trop en faire mais rester à l’écoute de ce que proposent les musiciens. On peut accentuer la musique par des frappés, on peut aussi être à l’opposé de ce que propose le musicien.

Le frappé peut être sec ou rebondi, il peut être accentué ou délicat, il peut apporter le « plus » qui fera réagir le partenaire ou les musiciens, il peut passer presque inaperçu par sa délicatesse ou être un son déterminant à un moment bien précis.  Mais attention à ne pas abuser des frappés qui risquent d'alourdir la danse.

Resoul Saint-Jacques : Création dansée de Véronique Elouard, avec Frédéric Verschoore, Piaire Rambaud

Les danses chorégraphiées permettent, quant à elles, l’introduction de figures et de déplacements plus complexes. Cela apporte une autre dimension qui déplace le jeu de la danse et la relation entre les danseurs. Les figures complexes demandent souvent des déplacements plus importants et déplacent le caractère de la danse. On entre dans une autre logique, dans un autre jeu, un autre rapport avec les partenaires.

Il est intéressant de faire des chorégraphies, de jouer avec des déplacements différents. La chorégraphie commence souvent à partir de quatre danseurs et la notion de jeu en est différente.

On sait que les figures ont été introduites avec la pratique des quadrilles, qui nous viennent des salons et qui étaient des danses écrites.

Les nouvelles expériences sont toujours bienvenues (on ne refuse pas le progrès), il faut simplement savoir ce que l’on attend de notre Rigodon : la richesse du pas, l’ornementation ou des déplacements complexes avec les partenaires qui font évoluer le jeu de la danse. Je pense qu'il est intéressant de pratiquer ces deux options.

En général les figures se font sur la deuxième partie musicale, à la place de ce moment d’improvisation sur le pas. Si il y a figure, il y a déplacement, si il y a déplacement, le pas est souvent simplifié pour privilégier le déplacement.

Il ce serait dommage de se priver de toute cette ornementation qui fait que l’on personnalise sa danse, qu’elle devient unique. Il serait dommage, aussi, de se priver de ce jeu si particulier avec le partenaire.

Relation avec les musiciens : pour moi il est très important d’être en corrélation avec les musiciens. Ils peuvent nous proposer, dans leur jeu musical, toute une gamme de variations, de qualités, d’énergie différentes, qui permettent d’enrichir notre danse.

Les danseurs font partie de la musique, on est dans la musique. Le musicien peut réagir aux propositions du danseur : à nos frappés par exemple, à nos silences, à la qualité du pas que l’on propose, etc. La musique peut s’enrichir du pas du danseur, du mouvement du danseur.

Le musicien doit aussi tenir compte du sol sur lequel le danseur évolue. Il peut jouer un peu plus lentement parce que le sol est dur ou réagir à la dynamique du danseur quand le sol est rebondissant.

Danses Traditionnelles en Vivarais : A Lavilledieu / Coquinas de Peire (Suite de Vires du Coiron)

J’ai découvert le rigodon grâce à Michel Favre. Je tenais le stand du CMTRA à Saint Chartier dans les années 1990. Un jour Michel est arrivé avec ses musiques enregistrées, musique du groupe « Rigodon Sauvage ». J’ai tout de suite été séduite par cette musique et l’énergie qu’elle procurait. Ce fut le début d’une grande aventure, une découverte capitale dans ma carrière de danseuse pratiquant la danse traditionnelle.

Michel a fait un beau travail sur les musiques du Rigodon des Alpes et après de nombreuses heures d’écoute du jeu musical de différents violoneux traditionnels en particulier Emile Escalle, Camille Roussin et Roger Desvignes, il a su inventer « son Rigodon ».

Nous avons travaillé ensemble sur le style, les ornementations, la qualité et l’énergie qu’induit la musique. Ce travail d’écoute, de recherche et ma pratique du Rigodon m’ont fait découvrir qu’il y avait la possibilité d’enrichir le pas avec un large spectre d’ornementations, le jeu avec le partenaire et le partage avec les musiciens .

Plus tard j’ai travaillé avec Patrick Mazellier qui a également fait un travail de recherche remarquable et considérable sur les musiques et les danses du Vivarais et du Coiron. Patrick m’a permis de découvrir de nouvelles particularités dans le Rigodon, des pas et des musiques différentes, des variations sur la qualité et sur l’approche de la danse mais aussi de nouveaux territoires où l’on dansait le Rigodon.

Avec ces deux musiciens j’ai retrouvé des caractéristiques et des points communs concernant le Rigodon de ces deux régions, une énergie très forte, la verticalité de la danse, la possibilité d’ornementation sur le pas. La simplicité de la chorégraphie est aussi très nette dans les deux territoires Alpes et Vivarais.
 

Aujourd'hui  j’espère que le Rigodon va continuer à être dansé longtemps car il le mérite, au même titre que d’autres danses traditionnelles, qu’il va s’enrichir de toutes les propositions des danseurs qui le pratiquent actuellement.

Les quatres vidéos de cet article vont sont proposées par l’association « l’Echo des garrigues ». Vous pouvez découvrir quatre Rigodons à deux dansés par Frédéric Verschoore et moi même (Véronique Elouard) et accompagnés par le groupe Rural Café. L’une des vidéos montre « la Resoul St Jacques » création chorégraphique qui réunit deux musiques différentes (la marche de Resoul et le Rigodon de St Jacques)

Nous voulions vous présenter, au travers de ces vidéos, le jeu possible que nous ressentons entre deux danseurs et celui des danseurs à l’écoute des musiciens.


Véronique Elouard