LA CHANSON TRADITIONNELLE, QU’EST-CE-QUE C’EST ?

La chanson traditionnelle est un des éléments de la littérature orale. C’est également un art populaire, intégré à la vie et qui n’est pas réservé aux initiés. Le répertoire, accessible aux non-chanteurs est partagé par tous et sur tous les territoires. La chanson traditionnelle n’a généralement pas d’auteurs, elle s’est façonnée à force d’être chantée, de mémoire en mémoire, d’interprétation en interprétation.

La chanson traditionnelle se transmet donc oralement, c’est-à-dire de bouche à oreille, quelque soit le contexte dans lequel elle est chantée (travail, veillée, loisir, marche, danse, etc….) : on apprend la chanson en l’entendant et on la retransmet en la chantant. C'est donc sa pratique qui constitue son vecteur essentiel.

LA LITTERATURE ORALE regroupe la chanson, le conte, les récits légendaires, les proverbes, les prières et incantations (formulettes pour des gestes ou des actions), les devinettes.

Une chanson traditionnelle se reconnaît assez facilement : le texte, la mélodie, le rythme et l’ambiance ont des couleurs particulières qui lui sont propres et sont différentes de la chanson d'auteur ou de variété.

À QUOI SERT LA CHANSON TRADITIONNELLE ?

La chanson sert à tout et n’a pas de fonction unique qui lui est spécifique. La même chanson peut servir à des choses aussi différentes que :

  • endormir un enfant
  • alléger la peine d’un travail long ou fastidieux
  • amuser un auditoire lors d’une fête
  • être fredonnée juste pour soi
  • faire réfléchir sur la vie
  • faire danser

Selon son utilisation, une même chanson ne va donc pas être chantée de la même façon. L'interprétation est constitutive de la chanson, au même titre que les paroles et la mélodie. Même si cela dépend des circonstances, l'interprétation donne véritablement chair à la chanson. Les paroles et l'air ne suffisent pas à eux seuls, la chanson a besoin d'être chantée "en vrai" : l'interprète, selon son ressenti, donne un sens aux mots et aux notes, utiliser telle ou telle inflexion. L'art de la chanson traditionnelle, si il est accessible aux non-musiciens, recourt à de véritables savoir-faire et ne se limite pas à un répertoire.

COMMENT S’INTERPRÈTE LA CHANSON TRADITIONNELLE ?

Une chanson de tradition orale a cela de particulier qu'elle raconte toujours une situation ou une histoire, et non un commentaire, une prise de position, un jugement ou un avis militant. Il convient ici de nuancer : les personnages participant à l'histoire racontée peuvent dans la chanson émettre un avis, un jugement. Mais cela est l'appanage du personnage. La chanson en elle-même laissera le choix à l'auditeur, et à travers les paroles ne prendra pas directement parti pour tel ou tel personnage. Tout se passe en quelque sorte dans une forme de neutralité générale.

Par exemple, une chanson criminelle raconte un meurtre mais ne juge pas le personnage qui l’a commis, aussi curieux que cela puisse paraître. Cette liberté morale qui peut être déroutante est propre à la chanson de tradition orale. L’interprète peut choisir tel ou tel point de vue, et a la liberté de rester neutre, de se ranger du côté de tel ou tel personnage, de trouver la situation drôle ou dramatique. Sans changer les paroles, la même chanson peut être joyeuse ou triste, juste en fonction du choix de l’interprèteC’est l’auditeur qui, à travers son système de valeurs, émettra ses propres jugements.

Autre exemple : une chanson qui raconte la misère d'un ouvrier placera les mots dans la bouche de l'ouvrier, et cela sera précisé : "Les garçons papetiers grands dieux qu'ils ont de peine...". La chanson peut rapporter des paroles revendicatrices, mais ne sera pas directement revendicatrice, elle ne dira pas si l'ouvrier a raison ou pas.

Cela est très important à comprendre : il convient pour la chanson de tradition orale de distinguer le texte et le propos. Le texte peut dire une chose, le propos (à savoir l'interprétation) une autre. L'ironie peut intervenir de façon régulière, sans se nommer, et laisser le champ libre à l'interprétation.

Une chanson d'amour affirme, après que deux amants se soient cachés pour s'aimer : "Hélas, la pauvre fille, elle n'y est que trop restée / Elle n'y est que trop restée dans la prairie / Elle a perdu sa fleur la plus jolie". Le mot "hélas" est ambigu : on ne sait pas si il est ironique ou pas. On ne sait pas si l'héroïne de la chanson est contente d'avoir désobéi pour s'enfuir avec son amant, ou si elle le regrette. 


NOTE : Si une chanson émet directement dans ses paroles un jugement ou un point de vue militant, ce n’est généralement pas une chanson de tradition orale, mais une chanson populaire composée par un chansonnier, connu ou non.


Henri Tournadre, de Marchal, lors de l'inauguration de la publication de "Musique du canton de Champs-sur-Tarentaine" en 1988, coll. AMTA

UNE CHANSON TRADITIONNELLE, ÇA VIENT D’UN TERRITOIRE ?

La chanteuse Virginie Granouillet sur son carreau de dentelle à Mans en Haute-Loire, coll. Dumas

Non : le répertoire est connu et est le même partout. La chanson traditionnelle francophone et occitanophone a d’ailleurs été cataloguée ou étudiée par différents chercheurs (Patrice Coirault, Conrad Laforte, Pierre Bec ou Eliane Gauzit).

Une chanson n’est jamais liée directement à un territoire, c’est l’interprète qui le sera.

La spécificité territoriale peut apparaître dans la façon de chanter. Une même façon peut cependant à la fois être spécifique d’un territoire et exister sur un autre.

Le seul marqueur territorial local et objectif reste le dialecte ou l’accent de la langue.

Pour le répertoire à danser, certains types de danse (bourrée, rigodon par exemple) permettent de rattacher à un territoire, mais pas toujours !


Dans l’art de l’oralité, le conteur ou le chanteur suivent une trame, et peuvent, s’ils le souhaitent, improviser sur cette trame, rajouter des couplets, changer d’histoire, créer la surprise pour maintenir l’attention de l’auditoire.

C’est comme si la chanson avait une ossature de base, sur laquelle on peut mettre la chair et les habits qu’on veut, et les varier à l’infini.


QU’EST-CE QUE LA VARIATION ?

Si elle n’est pas toujours chantée de la même façon, la chanson va donc présenter des variations, c’est-à-dire des changements, importants ou non, dans les paroles, dans le rythme et dans la mélodie.

L’interprète et le contexte ont une grande influence sur ces transformations. Contrairement à l’écrit, l’oralité change, corrige et reprend en permanence et spontanément.

La souplesse des paroles, du rythme et de la mélodie font partie intégrante de la chanson, et il est tout-à-fait possible selon l’envie de modifier un ou plusieurs mots, une ou plusieurs notes. C’est le chanteur qui, en chantant, fera spontanément ses choix.

Cela demande une bonne connaissance du répertoire (pour pouvoir piocher des morceaux dedans) et une bonne imprégnation culturelle.

La variation se retrouve plus ou moins dans tous les styles de musique, mais elle est un véritable marqueur de la tradition orale : sans variation, pas de tradition orale.

Chacun peut s’approprier une chanson. Cela permet à la chanson de passer les époques et les modes, d’exister dans une multitude de mémoires et de s’imprimer dans une multitude de cerveaux différents. La variation est la condition de sa survie.

NOTE : Un fait amusant est qu’on peut changer les paroles (des mots ou des couplets entiers), on peut changer le rythme (lent, rapide, cadencé, marqué, etc…), on peut changer des notes voire la mélodie toute entière : on reconnaîtra toujours la chanson.

Pour aller plus loin : 

→ Les paroles des chansons traditionnelles

 Exemples de variations d'une chanson

Présentation de pièces de répertoire :

Allons belle nous promener

La Barbière

J'ai fait l'amour dans le Vivarais

Henriette et Damon